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Récit de voyage

Soins au village

 |  Olivier Croufer |  République démocratique du Congo

Une case de santé

Il existe une répétition quotidienne. Celle de la recherche d'un échange généreux. Je bifurque à la vue d'une croix rouge peinte sur le pisé d'une case. Élétaire m'accueille avec des éclats de joie dans la voix. Ceux-ci doublent et triplent d'amplitude quand il apprend que je suis Belge. Plus tard, je me rendrai compte qu'Élétaire sait s'étonner de chaque rencontre.

Un infirmier

 
Dessin de Frédéric Hainaut. Carte 8

Élétaire est infirmier-chirurgien. Il opère des hernies, des appendicites. Il vaccine des enfants. Il soigne des diarrhées. Parfois, il réalise un accouchement bien que les femmes préfèrent se rendre à l'hôpital de référence. Ce sont les Belges qui lui ont donné sa formation à Gbadolite au temps où Mobutu faisait venir de l'étranger des enseignants dans la ville où il avait bâti ses palais.

Il est installé dans ce village depuis cinq ans. Il recevait alors deux cents patients par mois. La concurrence de pharmaciens qui ne sont souvent que des commerçants plus ou moins avisés de l'usage des médicaments a fait progressivement chuter le nombre de consultations.

Élétaire a tenté d'instaurer un système de mutuelle en proposant aux habitants de verser chacun un dollar par mois pour avoir droit à des soins gratuits. Le système n'a pas pu démarrer. Les habitants sont réticents à ces formules trop proches des méthodes de l'État qui prend des taxes et dont on ne voit pas très précisément les retombées. Il est vrai que dans le village la visibilité de l'État n'est pas manifeste. Pas de routes, pas d'infrastructures pour l'eau, ni pour l'électricité. Peut-être une école où les enseignants sont payés vaille que vaille. Quand les gens viennent se faire soigner, ils préfèrent payer comptant pour le soin donné.

Salle d'attente

Le lendemain matin, Élétaire a installé la balance devant la porte d'entrée du centre de santé et l'arrosoir d'eau à côté de la paillote d'attente. Je me suis laissé aller à sa proposition d'attendre un petit déjeuner plus festif que les bâtons de manioc qu'il m'avait offerts la veille.

J'attends parmi les malades et les mamans qui amènent leurs bébés en pleurs. Des voix racontent à tour de rôle la douleur. Chacune a son timbre, sa gravité, ses pointes de gaieté. L'écoute circule naturelle, alanguie entre les corps avachis sur les surfaces de bambou qui nous servent de chaise, de fauteuil ou de lit. J'ai par ailleurs le sentiment que cette façon de distinguer des types de mobilier relève plus de ma culture que de la leur.

Le confort résulte de l'attention qui s'accole aux paroles de l'autre, parfois dans le silence, parfois par l'adjonction d'une légère plaisanterie. On rit un peu. J'ai bifurqué malgré moi sur le chemin que n'a pas emprunté l'Histoire de l'Occident lorsqu'elle a fait des sas d'attente des institutions médicales des lieux où l'on ne se parle plus.

Je reprends le vélo après le petit-déjeuner fait de gibier chassé pour m'honorer. Il est déjà passé midi.